I ♥ bones !

"Je savais que j'étais malade, mais je ne voulais pas guérir. Je voulais mincir. Il y a une forme terrible de jusqu'au-boutisme dans la boulimie-anorexie. Tout consiste à dépasser un point de non-retour après lequel on sera forcée de se faire vomir. Les calories ne comptent plus, la balance elle-même prend un caractère dérisoire, soit on se gave, soir on reste à jeun. Aucun moyen terme possible. La nourriture devient notre pire ennemi. On commence la journée en voulant à tout prix éviter l'affrontement. Dans ce cas-là, il n'est pas question d'avaler ne serait-ce qu'une seule bouchée. Puis la faim nous prend, on se dit " Juste une part de quiche. " Et c'est l'engrenage, on préfère manger jusqu'à l'écœurement plutôt que de s'avouer qu'on a savouré cette première part. Tout plaisir est interdit, on n'aime pas manger, on n'aime pas la quiche, on aime pas que notre corps nous dise quoi faire, on va lui montrer ce que c'est de vouloir une part de quiche, on en prend une deuxième, une troisième, une quatrième, ah on avait faim ? Et bien, on allait avoir ce qu'on voulait! Une cinquième, une sixième, une septième, rira bien qui rira le dernier... Et puis soudain on a mal au ventre, on a mal au cœur, on a la tête qui tourne, c'est une longue danse douloureuse qui commence. On ne sait plus très bien ce que l'on vient de faire, un vague souvenir d'avoir eu faim puis plus rien. Il faut attendre, voilà ce qu'il faut faire, on a perdu une bataille mais on n'a pas encore perdu la guerre. Il faut être patiente. On se sent serrée de partout. Les gens valsent autour de nous, ils sont si beaux, tous. Ils ne voient pas que notre thornytorynx est près d'exploser. Et puis on court se cacher, et il explose. On se sent seule, la danse s'est arrêtée, on peut se laver les mains et repartir. On se déteste."

                                                                            Thornytorinx - Camille de Peretti