I ♥ bones !

Portrait 1

 

Elle me demande à quoi je rêve, sans bouger, les yeux fermés, ses lèvres ont si peu remué que je me demande un instant si elle a réellement posé la question qui reste en suspension dans l'air au-dessus de nous. Avant de répondre, je m'attarde sur son visage, la façon unique qu'elle a de n'afficher aucune expression. J'ai lu quelque part que recracher la fumée vers le bas est un signe de tristesse, comme en réponse à ma pensée elle repose sa cigarette et laisse la fumée monter en spirale, sans direction précise, caressant sa joue. "C'est dur, lorsqu'on a autant d'espoirs que moi, d'en choisir un seul". Quelques minutes je me demande si elle m'a entendu, si elle s'est endormie. "C'est ça l'avantage de n'avoir espoir en rien", souffle-t-elle doucement. Cette fois ses lèvres ont bougé, elle tourne la tête sur l'oreiller et ouvre ses yeux. Mon corps entier se fige à la vue de la noirceur de ses yeux, elle continue de me regarder, sans ciller, fouillant jusqu'aux tréfonds de mon être. C'est ce genre de regards qui remet tout mon univers en doute, qui me donne l'impression d'être nu devant elle, quand finalement elle revient à sa position d'origine, sur le dos, fixant le plafond avec un sourire en coin avant de s'allumer une nouvelle cigarette. L'odeur agresse mes narines, la fumée qui nous enveloppe pique douloureusement les yeux que je suis incapable de fermer.
Sa détresse n'est pas dans ses cris, dans ses larmes, elle est partout. Dans les silences, avec sa façon bien à elle de ne dire que la vérité, telle qu'elle est, me laissant à chaque fois dans une sorte de malaise. Dans ses phrases courtes, elle met tout son désespoir, laisse voir qui elle est vraiment, sans tricher. Son sourire devant les airs faussement compatissants a cette façon de signifier : "je sais que vous vous en foutez. Je sais que vous ne pouvez rien pour moi. Je sais que je vous choque. Je sais que vous prefereriez ne rien savoir, je me fous de ce que vous pensez. J'ai abandonné."
Mais je ne m'en fous pas.
L'envie de caresser ses cheveux un peu emmêlés, de la prendre dans mes bras devient insoutenable, et pourtant, je reste là, lorsqu'elle me regarde à nouveau droit dans les yeux. Hésitant, je pose la question.

_ Tu dois bien avoir au moins un espoir ?
_ Pour quoi faire.
_ Réaliser tes rêves.
_ Oui, j'en ai un.
_ Dis-moi.
_ Non.
_ Pourquoi ?
_ Je n'ai pas confiance en toi.

Je reste silencieux, ébranlé par la sincérité de cette dernière phrase. Elle ne fait pas partie des gens qui font attention, qui respectent les lois de l'hypocrisie. J'aime sa façon d'être ainsi, et pourtant ses mots me touchent.

_ Tu peux me faire confiance.
_ Parfois, il vaut mieux ne faire confiance à personne.

Elle se relève sur un coude, un pauvre sourire se dessine sur ses lèvres un rien trop fines et elle touche ma joue, du bout des doigts, avant d'ajouter :

_ Continue d'espérer. C'est tout ce qu'on peut faire.

Puis elle s'en va, me laissant seul allongé sur les draps. La détresse est dans chacun de ses mots, sans rien pour la déguiser.



19/01/2011
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